À la fin des années 70, l’opinion publique considérait encore que les Juifs s’étaient laissé arrêter comme des moutons « par les Allemands », oubliant l’immense filet policier et administratif lancé sur eux par le gouvernement Pétain-Laval-Darlan. Le rôle des Juifs dans la Résistance était sous-estimé et même minoré.
Au Mont-Valérien, haut-lieu du martyrologe des résistants, la dalle dans la clairière des fusillés portait (et porte encore) le nombre de 4 500 fusillés. À la fin des années 70, nous avions dénombré 174 Juifs victimes de ces exécutions par les Allemands. La proportion des Juifs était de 3%. J’ai publié en 1979 « Le Livre des Otages » sur la politique des otages et des exécutions menées par les Allemands. J’ai constaté alors que le nombre des fusillés était très voisin du millier et non de 4 500, les autorités militaires puis les SS ayant constaté que les exécutions allaient à l’encontre de leurs intérêts et qu’il valait mieux déporter les résistants que les fusiller.
Léon Tsevery et moi avons exploré les archives et établi le nombre véritable des fusillés du Mont-Valérien à 1 007, parmi lesquels 179 Juifs ; une proportion de 17 % de Juifs parmi les opposants et résistants exécutés ! Le nombre de 4 500 avait été fixé arbitrairement par une commission qui n’avait pas voulu tenir compte des documents disponibles à l’époque où s’édifiait le Mémorial du Mont-Valérien.
Il a fallu des décennies pour que le résultat de notre recherche fût reconnu et authentifié officiellement. En 2010, nous avons rendu publiques, les seules photographies d’exécution au Mont-Valérien : trois photos de « terroristes » de l’Affiche Rouge, dont celle de Marcel Rajman, prises clandestinement par un sous-officier de l’escorte allemande.
Nous avons publié trois éditions des « Fusillés du Mont-Valérien » ainsi que « Les 161 fusillés du Polygone de tir de la Caserne Balard ».